JOYCE MANSOUR, POÉTESSE SURREALISTE
Du 18 novembre 2014 au 1er février 2015 le Musée du Quai Branly présente une installation hommage à cette « étrange demoiselle » qu’est la poétesse surréaliste d’origine égyptienne, Joyce Mansour (1928-1986).
Fille d’industriel britannique installé au Caire, Joyce Mansour grandit en Égypte. Au milieu des années 50, face à la crise du canal de Suez elle s’installe définitivement à Paris avec son époux Samir. Grâce à Georges Hugnet elle publie chez Pierre Seghers ses premiers textes, Cris et Déchirures qui lui attirent les sympathies du groupe surréaliste et de Breton qui lui écrit : “ J’aime Madame, le parfum d’orchidée noire – ultra noire- de vos poèmes.” 1956 marque leur rencontre et le début d’une longue amitié avec celle qu’il baptise la tubéreuse enfant du conte oriental. Elle participe aux activités du groupe surréaliste, réunion, publication, expositions…
Elle fréquente des écrivains comme Michaux ou Julien Gracq, Césaire, Leiris, Louis-René des Forêts, ses livres sont illustrés successivement par Hans Bellmer, Jean Benoit, Max-Walter Swanberg, Enrico Baj, Pierre Alechinsky, Roberto Matta, Lam, Camacho…
Elle a joué la comédie avec Ionesco, Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute (Freshwater de Virginia Woolf). Elle était présente au congrès des intellectuels de La Havane en 1967. Elle a reçu chez elle le tout Paris, y a même organisé certains événements surréalistes, comme « L’Exécution du testament du marquis de Sade » où Jean Benoît se marque au fer rouge des quatre lettres SADE.
La nuit je suis le vagabond dans le pays du cerveau…
Déchirures
Joyce Mansour pratiquait une écriture automatique proche de la transe dont l’intensité de beauté et de violence conjointe fait surgir des flots d’images fantasmatiques empreintes d’angoisse, d’humour, d’obscénité et d’ironie mêlées.
On ne saurait rendre compte ici de toute la production poétique de Joyce Mansour. Les titres de ses principaux recueils – Cris (1953), Déchirures (1955), Rapaces (1960), Carré blanc (1965), Phallus et momies (1969), Faire signe au machiniste (1977), Trous noirs (1986) – confirment qu’elle est restée fidèle à la veine de la sensualité tragique.
L’érotisme macabre est en effet partout présent dans une œuvre qui proclame ne plus désirer que dans le cauchemar. Motifs obsédants des corps dévorants comme métaphore d’un monde fracassé, fascination de la laideur, de la décrépitude, des sécrétions, comme si tout cela portait encore plus haut la transgression et l’humiliation. Ses mots d’un réalisme provocant, décomposent les dernières langueurs du romantismes de l’amour. L’obscénité en sonne le glas.
Car avec l’amour, l’autre grande affaire de Joyce Mansour, c’est la mort : « Même morte je reviendrai forniquer dans le monde. » Un fond mortifère qui se revendique de Sade autant que de Fourier. L’harmonie sera sexuelle ou ne sera pas. Rage de la manducation, aimer c’est d’abord manger l’autre,… mort ou vif. Sade au fer rouge de ses mots comme sur la chair brulée de jean Benoit.
Laisse-moi t’aimer.
J’aime le goût de ton sang épais
Je le garde longtemps dans ma bouche sans dents.
Son ardeur me brûle la gorge.
J’aime ta sueur.
J’aime caresser tes aisselles
Ruisselantes de joie.
Laisse-moi t’aimer
Laisse-moi sécher tes yeux fermés
Laisse-moi les percer avec ma langue pointue
Et remplir leur creux de ma salive triomphante.
Laisse-moi t’aveugler.
(Cris, 1953)
« La poésie surréaliste, c’est vous », lui écrit André Breton dans une lettre de 1961.
L’art de la rencontre fortuite de l’art
C’est avec André Breton qu’elle promena sa curiosité esthétique aux Puces ou dans les salles des ventes et se constitua une collection originale dont on peut voir ici un choix sensible.
L’ensemble se distingue par la présence simultanée de sculptures primitives avec une prédilection pour les œuvres d’Océanie (masques malangan de Nouvelle-Irlande, statuettes biwat de Nouvelle-Guinée, figure de l’île de Pâques, statues de Nouvelle Bretagne…), d’œuvres historiques du surréalisme : une toile de Toyen, une gouache d’Hans Bellmer, une sculpture d’Hans Arp ainsi que des cadavres exquis de 1940-1941, et de l’art contemporain avec des toiles de Pierre Alechinsky, Jorge Camacho, Henri Michaux, Pierre Molinier (les mêmes qui participèrent à l’illustration de certains de ses recueils) et des sculptures d’Agustin Cárdenas et de Max Ernst en particulier, des portraits de l’artiste par Man Ray ou Gilles Ehrmann.
Sont aussi présentés des reliquaires de sa fabrication. Car chez Joyce Mansour, la grande poétesse surréaliste se doublait d’une bricoleuse d’objets à fonctionnement symbolique. Elle hérissait de clous des balles en polystyrène. Ainsi naissait une floraison étrange et agressive, les “ objets méchants ”. Elle réalisait encore des boîtes qui sont autant de pièges ou de tombeaux ironiques de ses obsessions.
L’accrochage s’appuie également sur des fragments de sa correspondance avec André Breton et les témoignages de Jean-Jacques Lebel et Jean-Claude Silbermann notamment.
A découvrir du 18 novembre 2014 au 1er février 2015 au musée du Quai Branly, dans l’atelier Martine Aublet, à Paris.
en savoir plus :
Joyce MANSOUR présente à Georges BENAYOUN sa collection d’oeuvres d’art rassemblée avec BRETON et décrit sa relation avec lui.
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